"La Mémoire courte" de Louis-Ferdinand Despreez – éd. Phébus, Paris 2006 - (Café littéraire du 27 juin)
Nous étions quasiment au complet (une vingtaine) pour cette dernière séance de notre cycle « polars et romans noirs », où nous avons eu le plaisir d'accueillir Émilie, bibliothécaire à Sorgues, qui projette d'y démarrer un café littéraire en septembre.
Louis-Ferdinand Despreez, pseudonyme qui protège un auteur mystérieux dont la biographie est peu claire, est citoyen sud-africain et écrit en français, ce qui nous a permis d'apprécier un style percutant, où alternent avec bonheur phrases courtes et phrases longues, dialogues et descriptions.
« La Mémoire courte », titre qui rappelle le mot tristement célèbre du maréchal Pétain (« Français, vous avez la mémoire courte ») et se rapporte ici à la réconciliation post-apartheid, a fait l'unanimité. Ce récit contient tous les ingrédients classiques du roman noir : meurtres (combats de boxe à mort, moyen de « tuer du nègre » tels de nouveaux gladiateurs), sexe sordide, monde pourri et impitoyable au milieu duquel se débat un flic intègre, opiniâtre et désabusé – le capitaine Zondi, policier africain, sympathique et attachant, qui n'a peur de rien et domine toujours la situation, et qui, contrairement à l'archétype du polar, ne boit pas, ne mange pas... et ne baise pas (sauf sa très discrète compagne). Avec en prime l'Afrique du Sud et l'apartheid, dont la fin ne signifie pas la disparition des inégalités – ça prendra du temps ! - et dont les conséquences sont encore bien présentes, autant dans l'arrogance des blancs que dans l'arriération de certains noirs.
Despreez a su éviter tout manichéisme, les noirs ne sont pas tous parfaits, y compris les militants de l'ANC proches de Mandela, et les blancs ne sont pas tous ignobles ; ce « dosage racial » rend bien compte du bouillonnement de la « nation arc-en-ciel », même si l'utilisation d'un vocabulaire métissé contraint trop souvent le lecteur à se référer aux notes explicatives malencontreusement regroupées dans les dernières pages. Mais notre auteur ne manque pas d'humour, la description de la profileuse est particulièrement savoureuse et valorise l'efficacité de Zondi, redoutable interrogateur.
Et, pour effacer « le sentiment d'être descendu encore un peu plus bas dans les abysses de la méchanceté humaine », cette belle soirée d'été s'est terminée sous les platanes de la rue des Teinturiers autour d'un sympathique repas préparé par Amandine et Swann.
