L'Amour au temps du choléra » - Gabriel García Márquez
12 présents pour ce deuxième café littéraire consacré à la littérature d’Amérique latine, dont certains ont pointé les stéréotypes, tant au niveau des personnages et des caractères qu’à celui de la vie sociale. Tous les ingrédients du roman américano-latin sont en effet présents chez Garcia Marquez, mais « L'Amour au temps du choléra » est bien plus que cela : à travers un récit plein d’un humour parfois féroce, de péripéties drôles et vraies (souvent auto-biographiques), de personnages surprenants et attachants, c’est avant tout une méditation sur la vie, l’amour, la vieillesse, la mort qui apparaît derrière les trouvailles et les nombreuses "perles" littéraires.
Les lettres de Florentino à Fermina en sont la quintessence, et reflètent en même temps l’avancée de la modernité dans la Colombie de la fin du XIXème- début du XXème siècle : d’abord écrites à la main, puis dactylographiée, développement du télégraphe, croissance et déclin du transport fluvial, etc.
Ce contexte de la Caraïbe est d’ailleurs très présent : nature exubérante et en recul, corruption, effervescence des sentiments et de la sexualité, maladies endémiques. Le fleuve Magdalena est emblématique, à la fois maternel et protecteur, vecteur du choléra et de moins en moins "lien" au fur et à mesure qu’il s’envase et que sa faune et sa flore disparaissent.
Dans ce récit, les femmes sont fortes, intelligentes, belles, amoureuses… tandis que les hommes sont dans l’ensemble escrocs, arrivistes, corrompus, cyniques. Comment Florentino, peu gâté par la nature, constamment constipé (ses lavements sont un vrai leit-motiv !), libidineux, peut-il à ce point multiplier les aventures amoureuses ? – accumulation qui alourdit considérablement le récit. Les veuves sont certes nombreuses et disponibles, mais son indifférence et son égoïsme, notamment vis à vis de la très jeune Americana (17 ans), le rendent particulièrement odieux. L’inconditionnalité de son amour pour Fermina ne suffit pas à le racheter ; pourquoi un personnage aussi répugnant plaît-il à une telle femme ?
La vieillesse est un thème central du roman. On peut être vieux et amoureux, mais la vieillesse est triste, malodorante, surtout quand elle est mal assumée. « Entre vieux, les vieux sont vieux. »
Mais comme l’a dit Garcia Marquez en recevant son prix Nobel en 1982, « la mort n’arrive pas avec la vieillesse, mais avec l’oubli ». Malgré l’âge et la décrépitude , Fermina et Florentino n’ont pas oublié leur amour de jeunesse. Et si la mort est omniprésente, de Jeremiah de Saint-Amour et Juvenal Urbino dès les premières pages au suicide d’Americana et à la disparition des lamantins sur les rives du fleuve Magdalena porteur de cadavres, elle est toujours étroitement imbriquée dans la vie. L’épidémie de choléra interdit au dernier bateau d’accoster, et elle transforme ainsi la croisière amoureuse des deux tourtereaux vieillissant en un éternel aller-retour.
Aux temps du choléra, l’amour n’a pas de fin...