Association du Quartier des Teinturiers - Avignon

Café littéraire saison 2009-2010

Cycle Littérature Nord Américaine

« Sartoris » de William Faulkner (café littéraire du 13 janvier 2010)

"Sartoris" de William Faulkner a été notre premier choix, ce qui fut l'occasion d'un riche débat sur les guerres états-uniennes, la nostalgie du Sud agricole et féodal, l'esclavage, la colonisation et l'influence de la littérature européenne sur cet auteur par ailleurs très prisé de certains de nos plus grands écrivains, Camus et Malraux entre autres.

« Le Choix de Sophie » de William Styron (1979) - (café littéraire du 30 juin 2010)

Peu d'entre nous étaient arrivés au bout de ce pavé de 920 pages, d'autant plus que le style parfois pompeux, les nombreuses répétitions et la récurrence des principaux thèmes alourdissent une écriture qualifiée par ailleurs de "cinématographique" (ellipses, flash-backs) - " Le Choix de Sophie" a été adapté au cinéma par Alan J.Pakula (avec Meryl Streep dans le rôle-titre).

Difficile de résumer nos impressions de lecture, tant ce roman aborde la problématique du mal sous toutes ses formes : les camps de concentration, horreur absolue; le racisme, l'esclavage et les discriminations en particulier aux USA (nordistes/sudistes, blancs/noirs), mais aussi en Europe (antisémitisme, mépris des Polonais); la drogue, l'alcool, le sexe mal vécu, les frustrations, la culpabilité, etc. Et Nathan, l'amant  de Sophie, à la fois son sauveur et son bourreau, sorte de Dr Jekyll et Mr Hyde, incarne le pire et le meilleur dont l'humain est capable.

L'auteur se plait à brouiller les cartes et à faire jouer ses personnages à contre-rôle : Nathan, juif qui n'a pas vécu les camps, reproche à Sophie, non juive mais internée à Birkenau suite à une série de malheureux hasards, d'en être sortie vivante; le père de Sophie est un idéologue de l'anti-sémitisme le plus virulent, etc.

On sort de cette lecture accablé par tant de souffrances imposées aux hommes par d'autres hommes, incapable de s'identifier à l'un des personnages, pas même à Sophie qui semble porter à elle seule toute la douleur du monde. Et il faut attendre la page 866 pour comprendre en quoi consiste son fameux "'choix", désigner lequel de ses deux enfants elle envoie au crématoire dans l'espoir illusoire de sauver l'autre.

Ce XXème siècle a décidément inspiré des oeuvres bien noires !

« L’Attrape-cœurs » de J.D.Salinger - (Café littéraire du 3 mars 2010 )

Après « Sartoris » de William Faulkner, le deuxième ouvrage de notre cycle consacré à la littérature nord-américaine était « L’Attrape-cœurs » de J.D.Salinger, best-seller mondial que le décès de son auteur en janvier dernier nous avait remis en mémoire.
Des avis très contrastés ont été exprimés : si l’unanimité s’est rapidement faite autour du constat que « ce n’est pas un chef d’œuvre », et autour de la critique d’une écriture très datée –la traduction un peu vieillotte est-elle la seule responsable ? -, certains ont déclaré s’être ennuyés, d’autres se sont régalés...
Cet adolescent gosse de riches absents, fragile psychologiquement (mais n’est-ce pas le cas de tous les adolescents ?), en dérive dans New-York –mégapole fascinante et personnage à part entière du roman-, fait preuve à travers sa recherche d’affection et d’aventures d’un grand sens critique envers les hypocrisies du monde adulte et de ce que l’on ne nommait pas encore la « société de consommation ».
Insolence, lucidité, mal (et fureur) de vivre : Salinger annonce bien la génération des James Dean, Marlon Brando, Elvis, et la suite. Plusieurs parmi nous s'y sont retrouvé(e)s !

"La tache" de Philip Roth - (Café littéraire du 21 avril 2010)

Personne n'est resté indifférent à cet ouvrage qui allie les qualités d'un roman "classique" (style, souffle épique, densité du récit, épaisseur des personnages, rencontre entre la fiction et la "grande histoire"), à celles d'une écriture plus moderne, qui emprunte certains éléments à la photo, au cinéma, voire, d'après certains avis critiques, au roman-photo.
Les grands thèmes de l'Amérique contemporaine sont évidemment présents : le racisme, la violence, la guerre (ici le Vietnam et ses conséquences dramatiques, notamment sur la santé mentale des vétérans), mais aussi la médiocrité d'une certaine middle-class, la bêtise dangereuse des adeptes de la "pureté - qu'elle concerne les "bonnes mœurs (affaire Lewinsky), la religion ou le retour à la nature -, la superficialité de la caste universitaire (avec au passage une satire impitoyable de l'intellectualisme à la française), ou le milieu de la boxe.
Et puis une certaine distance ("la bonne distance pour prendre les photos, ni trop près, ni trop loin" disait Raymond Depardon), qui fait qu'arrivé à la dernière page le lecteur se demande si toute cette histoire n'a pas été inventée de toutes pièces par l'un des personnages (lequel ?), si cette fameuse tache n'est pas qu'un fantasme.

"Les Saisons de la Nuit " de Colum McCann - (café littéraire du 26 mai 2010)

Encore une œuvre qui n'a laissé personne indifférent !

Bien qu'irlandais, mais vivant à New-York, Colum McCann avait toute sa place dans notre cycle nord-américain : la terrible violence de la vie états-unienne, le racisme, la dureté des conditions de travail, la guerre (ici c'est la Corée), la drogue et la misère forment la toile de fond de ce roman.

Deux tunnels, l'un en chantier en 1916, l'autre en service en 1991 et servant de refuge à quelques SDF et dont on ne découvrira que beaucoup plus tard qu'il s'agit du même et que les acteurs de ces deux scènes ont entre eux des liens étroits : la figure littéraire classique des deux histoires asynchrones et sans rapport apparent peut, dans un premier
temps, sembler facile. Mais l'atmosphère oppressante des tunnels, la forte solidarité des familles ouvrières du début du siècle contrastant avec la dureté des rapports dans les bas-fonds très "dostoïevskiens" des années 90, donnent le ton d'un récit labyrinthique où les générations s'entremêlent sur un mode à la fois réaliste, comique et onirique.

 Autre point remarquable : le thème de la danse et de l'équilibre occupe une place particulière dans l'œuvre de Colum McCann, auteur par ailleurs de "Danseur", sorte de biographie romancée de Rudolph Noureïev. Ce n'est pas par hasard que le principal personnage des Saisons de la Nuit a été marié à une danseuse nommée Dancesca, qu'il a travaillé sur les gratte-ciels en défiant le vertige sur des poutrelles dominant la ville, que lui seul peut atteindre sans tomber son refuge au fond du tunnel.

Date de dernière mise à jour : 06/05/2017