«La Métamorphose» de Franz Kafka – 1915.
16 présents, et tous ont apprécié le style de Kafka, art du récit et de la composition parfois théâtrale, économie de moyens, sobriété, pas un mot de trop. Celles et ceux qui ont lu quelques unes des « Autres Nouvelles » qui font suite à « La Métamorphose » les ont également appréciées.
Pour ce qui est du fond, les avis sont plus partagés, « La Métamorphose » est certes un récit qui met mal à l'aise ! Atmosphère pesante et angoissante d'un récit expressionniste et fantastique, par delà un humour qui justifie le mot de Boris Vian (« L'humour est la politesse du désespoir »).
Ce sont les sentiments de culpabilité, d'exclusion, de rejet et d'horreur absurde qui dominent. Comment peut-on si peu s'aimer ? Comment peut-on se laisser mourir de faim, dans une sorte de lent suicide ?
Le rapport conflictuel au père est bien sûr la première réponse, la terrible« Lettre au Père », que Kafka rédigea réellement mais n'envoya jamais, l'indique explicitement. Et aussi l'ensemble de la famille : la dégradation des rapports avec sa sœur Grete accompagne la chute de Gregor dans une abjection de plus en plus ignoble ; et l'éclosion finale de Grete, autre métamorphose positive cette fois, semble indiquer qu'il fallait que quelqu'un meure pour que quelqu'un advienne à la vie.
Il y a également l'aliénation face au monde du travail, de l'entreprise et de la modernité, la maladie (Kafka est mort de la tuberculose, dont les difficultés à respirer et à se déplacer de G. Samsa métamorphosé en cancrelat sont la représentation).
Et enfin - peut-être surtout – l'aliénation dans la solitude et l'incommunicabilité, la peur de ne pas être suffisamment aimé qui pousse à assumer toute la vie matérielle de la famille, reflet du perfectionnisme extrême de Kafka l'artiste, doutant jusqu'à la fin de son talent et de son avenir d'écrivain, au point de refuser la publication de la plupart de ses œuvres. Par bonheur, son ami Max Brod a tout sauvé !
Tous ces éléments font de « La Métamorphose » un récit auto-biographique, ce que confirment la proximité phonétique Samsa-Kafka, ainsi que l'initiale K du héros du « Procès » et du « Château ».
Vie et œuvre de Kafka se confondent dans un combat perdu d'avance contre l'angoisse universelle face au monde moderne.
Note du rédacteur (François) :
Difficile pour moi de rester objectif, tant je me sens proche de Kafka.
Je le considère comme l'un des plus grands écrivains de la première moitié du XXème siècle, et je ne suis pas le seul : preuve en sont les innombrables interprétations – marxistes, freudiennes, structuralistes, expressionnistes, existentialistes, post-modernes, etc. - dont son œuvre a fait l'objet, en particulier « La Métamorphose » et « Le Procès ».
Citons entre autres Hannah Arendt, Albert Camus, Vladimir Nabokov, et récemment Bernard Lahire.